samedi 24 février 2024

UNE NOUVELLE DONNE



 
Il y a
 un hymne en attente          qui ne peut commencer


avant que la danse n’achève   
sa culture du temps.

 Roberto JuarrozPoésie verticale, III, 3. 

à    

première

      vue

   c’est 

 toujours 

le relief

    qui prédomine sur le fond 

mais si le fond s’estompe 

      voire disparaît 

         alors le relief s’effondre 

car c’est toujours le fond 

          qui soutient le relief


dans    

un premier temps le relief 

une fois le fond disparu
n’est plus tellement en relief
mais seulement en deux dimensions
le relief pour ainsi dire
devient 
le fond 


apparaît alors
en relief  
en un          
 deuxième
temps  
une nouvelle
  donne
     qui se
superpose  
  à l’ancien     

relief 

devenu fond d’un autre temps

et ce qui nous est donné

à voir 

        en guise de relief
c’est notre propre projection
d’un nouveau temps
 

alors pouvons-nous
commencer à nous voir
dans toutes les dimensions


   Animage tirée du film Si loin, si proche ! de Wim Wenders.   

dimanche 20 août 2023

MISE À JOUR

« Écoute la palpitation de l’espace

ce sont les pas de la saison en chaleur 
sur les braises de l’année »
 

 Octavio Paz, Les Armes de l’été




porter
la mémoire de ce qui n’existe pas encore pour la projeter
à la face d’un monde exsangue faute de n’avoir jamais existé
et qui perdure dans son propre déni
lancer la trajectoire
d’un geste étouffé 
au milieu des broussailles 
de pensées éparses 
qui s’entredévorent 
en convulsions 
criantes de mensonge 
sous la couverture des pierres 
réduites en poussière



                                                                                  Jean-Luc Godard   Le Livre d'image 

 planter le regard 
 au milieu du front
 afin que s’ouvre
 la clairière fertile
 qui donnera naissance
 et sens
 à la forêt jaillissante
 de vues imaginaires 


aucune alternative
seulement l’immobilité
au centre du tumulte

l’a
mer autour duquel gravite

le destin de la mer
qui retourne
la terre

en vue de l’offrir
à son désir
de lumière







 ce sont
 nos paupières
qui traduisent
 le décor 
    tout comme
nos rêves
décousent
 les intentions
rapiécées
 de pièges
    dérisoires
 dissimulés sous la doublure de l’air

et c’est en feuilletant
les pages anonymes d’obscurs décrets que nos doigts
saisissent enfin
entre les lignes tracées d’avance le titre qui nous désigne sans cesse




    A     N     C         Z              S     I     M     U     L     T     A     N     É     M     E     N     T

renouvelé

 


mercredi 21 décembre 2022

PURES COÏNCIDENCES




C’était l’hiver du monde brut. L’été se poursuivait au passé composé de passions incendiées. Il brûlait sans fin depuis le cœur, irradiait le tronc de l’être à travers veines et racines. La tête était tombée, il restait un soleil. Un seul soleil avait suffit à éclairer tous les passages et les recoins.
 

Je reflétais la folie grandiose de l’amour. Les baisers hébergeaient des mystères, les larmes aussi. Les racines du sommeil ouvraient une porte sur le monde des coïncidences.




le temps coïncide avec l’espace
qui coïncide avec l’œil




l’homme coïncide 
avec son ombre 
et la femme avec son âme 

et la femme coïncide 
avec l’ombre de l’homme 
et l’homme avec l’ombre de son âme

je ne coïncide avec rien sinon moi-même 
qui coïncide avec tout 

nous coïncidons tous ensemble 
avec l’ensemble de nos coïncidences 

la coïncidence coïncide avec le hasard 
qui coïncide avec le sort 
mais la coïncidence ne sort jamais d’elle-même 
sinon pour coïncider avec le sens 

le sens que je prête aux coïncidences 
me donne une idée de moi-même 

la vie coïncide avec la vie 
la mort avec la mort 
mais les deux s’interpénètrent à travers la naissance 

ne me parlez pas de coïncidences car j’entends autre chose 

la rencontre entre deux êtres est une coïncidence 
qui ne dit pas son nom 

les véritables coïncidences gardent le silence 
sur leurs intentions 

le silence coïncide avec l’espace 

le temps avance sans bruit sous un tapis de coïncidences 

la vie coïncide avec la vie 
la mort avec la mort 
et lorsque les deux se confondent 
c’est l’ultime coïncidence qui fonde les deux 

la condition sine qua non de la coïncidence 
est la simultanéité 
bien que parfois des coïncidences aient été rapportées 
rétrospectivement 
d’une époque à l’autre 

l’empreinte annonce le pied par pure coïncidence 

coïncidence du masque avec un visage mal ajusté 

coïncidence du croisement avec le visage 
non le regard 
d’une personne perdue de vue 

visage fermé d’une ancienne connaissance perdue de vue 
croisée par hasard dans la rue 
et qui ne me voit plus par pure coïncidence 

d’autres m’ont-elles vu que je n’ai pas su ? 

et mon visage était-il aussi fermé lorsqu’elles m’ont reconnu ? 

coïncidences en pure perte 
et ce à perpétuité 

a contrario coïncidences qui se démarquent 
et se remarquent 
heureuses coïncidences 

la marque de l’oubli de soi 
ou des autres au profit de soi (et vice versa) 
dénote-t-elle une saturation de coïncidences ? 

on ne coïncide qu’avec soi-même 

coïncidence du retard en avance sur le moment voulu 

impact d’une coïncidence avec la trajectoire du désir 

toute coïncidence est une rencontre 
un rendez-vous avec soi-même sinon autrui 

chaque coïncidence est une chute en soi 

la pierre de touche de toute coïncidence 
est une rencontre avec ce qui nous échoit 

je me rencontre 
je vous observe 
je me rends compte que je me vois 


en vous voyant je m’aperçois

par pure coïncidence 


images extraites de 

 




lundi 12 décembre 2022

soleil enfoui, trêve millénaire

taillez enfants aux yeux d’air et d’eau les belles 

               allumettes 

dans la forêt des légitimes soifs            
 taillez les belles allumettes pour que flambe le théâtre d’ombres universel.  

 Testament 
 de Ravachol. 



le signe qui manque 
      l’être qui demande 
            se correspondent 



 le corps indique le langage 
 le temps de retrouver sa parole 

la pierre qui roule 
      la porte qui s’ouvre 
            n’aboutissent plus 
                  dans la forêt 
                        mais au bord 
                              de la rivière 


 la lumière immobile 
 trahit la présence d’un soleil enfoui 
 au centre de la silhouette 



___
                                                                                             photos     Severin EttlinHomoLux



 identité 
 idée d’une entité 
 une et indivisible 
 infime quantité 
 indifférenciée 
 de l’invisible dont elle est 
 entière 
 entièrement hantée


         monstre pensant 
         montagne cérébrale
         couvant son rêve 
         assoupie dans sa trêve millénaire 
         pensée tapie qui nous rumine 
         puis nous recrache dans le monde 
         à la face d’un quotidien étourdi